Margot Buffet
Peintre de papiers
Margot Buffet - Nostalgie romantique Denys-Louis Colaux
Les œuvres engendrées par cette démarche singulière et maîtrisée sont littéralement époustouflantes. Ce sont des éclosions baroques saisissantes, des parures fastueuses et redoutables, elles sont à la fois captivantes et apparentées au genre fantastique, elles sont accidentées, suturées et pourtant elles ont pour elles une sorte d'harmonie inédite et inquiétante. Elles fascinent, elles accrochent.
Ce sont des hantises, des spectres et des fantômes de Mary Shelley. Ce sont des masques punk surpris en pleine nostalgie romantique, des suaires, des divas livrées à leurs fièvres et à leurs excès, des maquillages baudelairiens. Ce sont des contraires convertis à l'entente, au chœur.
C'est l'iconostase d'aujourd'hui, fuie par l'absence de dieu, habitée par le goût de lui. C'est l'humanité défigurée par des siècles de progrès. C'est la décadence nouvelle, sublime et effroyable, le martyre heureux et difforme du 21ème siècle. Au bout de tout, il y a toujours l'inachèvement, l'incomplétude, le fiasco merveilleux.
Cette oeuvre me fait songer à une immense flotte d'épaves grandioses, de vaisseaux fantômes lyriques et enivrants.
Margot Buffet par Thierry Gaudin
La mémoire des images
La mémoire en stretch
En rides et en résilles
Le derme des mémoires se fige
Et suspend les dérives
La peau des mémoires vives
Exhale ses ramages
S’exalte sur le tas
En succulences décisives
Qui se meuvent et soupirent
La toile des yeux s’imprime
Sous le souffle des ans
Le ménage se plisse
Le manège s’invite
Dais des exuvies
Membranes irriguées
Organes exprimés
Muqueuse exfoliée
Et retrouver la fréquence
Des séismes et des transes
Des caresses et des coups
Des liesses et des repos
Le doigt sur la paupière
Et l’aisance des iris
Assurent sur les stances
Une tessiture tactile
Lisible sur le lien
Qui unit hier à demain
Mais qu’il faut bien traduire
Le stock encombre les distances
A l’or des sous ans tendus
Relier les reliefs
Et déduire sur les poussières
Et les larmes et les stucs
Les moutures agiles
Les moulures actives
Les morsures habiles
Et les sculptures soudées
Aux plaies et aux plaisirs
Des charmes se dessinent
Et révoquent le faux style
Le toc troque sa version
Et révèle sa pellicule
Dans la chambre indurée
Quelque part sous licence
De vérité traquée
Les amours érodent
Les cris ne font la rime
Qu’aux larmes en solitude
L’érosion du visible
L’articulation des phases
La stase en extase
La phrase retenue
En amont des non-dits
À l’aval des mystères
L’estuaire des fréquences
Ponctuent des déserts hébergés
La cervelle se plisse
En instance de marée
Les replis ne se disent que sur confidences
Confiées du bout des dermes
Quand dansent sur les grilles
Les effets des spectres
Les vêtures des passantes
Des résurgences vives
L’atonie latente
Evadées sur brises ou en tempêtes
Là entre deux îles ou deux corridors
Le temps tisse ses chrysalides
Au cœur des entres tièdes et des matières grises
Les replis de mémoires se dénudent
Et libèrent du tendre et du sensible
La texture et le muscle
La tresse et la mèche sage
L’incurable beauté des plissures
Des pliures des âmes
Margot Buffet- « Traces sur l’hippocampe » Jean-Henri Maisonneuve
Etrange titre pour une série insolite… L’hippocampe est une partie du cerveau qui joue un rôle essentiel dans le processus de la mémoire. Une trace désigne une marque laissée par un passage, c’est une empreinte, un signe concret ou sensible, lié à un événement révolu.
Ces « traces » seraient donc des réinterprétations d’images-souvenirs, que Margot Buffet va chercher pour les faire émerger, les retravailler, partant de photos froissées, de papiers divers – le matériau de prédilection de l’artiste, découvert lors de ses études de design à Saint Etienne.
Le visage est comme effacé, recouvert, enfoui, tout se passe comme si le souvenir avait fui. Mais la tâche de Margot Buffet consiste ici à la fois à le faire revivre, d’une vie nouvelle, reconstruite, réinventée ; et la figure semble rejaillir au sein d’un collage-maillage de différentes textures : des papiers démantelés, des fibres, … qui étaient délaissés, oubliés.
De cette matière plus ou moins brute, selon les œuvres, la plasticienne recrée ce qui paraît réseaux de neurones, ceux-là même qui traversent et constituent l’hippocampe. De ces tissages émergent les personnages.
Les expressions saisies traduisent toujours des émotions de vie, des élans entre extase et apaisement, des sérénités troubles ou des tristesses diffuses. Mais c’est aussi l’agitation dans les limbes de la mémoire en lambeaux qui pourrait prendre corps dans ces formats 31x25cm… Chaque œuvre est comme un souvenir qui se refuse à disparaître. Les nervures de papier, fragiles, les filaments épars pourraient alors être lues comme une métaphore de la vie, retranscrite à la fois dans sa finitude et sa pérennité, son immuabilité et sa permanente évolution. Comment ici ne pas évoquer les Parques, ces divinités quasi-universelles qui filent le cours des jours humains, jusqu’au coup de ciseau fatal ?
Une autre série, « les Passanges », collages sur plexi de 40x50cm, reprend cette approche technique ; cependant, la clarté lumineuse, la pureté du blanc suscite immanquablement d’autres interprétations de la part du spectateur, noyé dans la lumière. Les « Cris sourds », eux, également de plus grande dimension, s’avèrent nettement plus violents : la déchirure ne concerne pas que les papiers de soie, mais aussi le soi de papier…
Enfin, tout l’art de M. Buffet, je crois, réside dans cette élégance : la réappropriation d’un portrait de l’autre pour brosser son propre autoportrait, émotionnel, sensible. Le modèle devient ainsi, et à son insu, point d’accroche pour l’expression de son propre soi. Dès lors, le sujet servant de point de départ à l’œuvre ne sait pas qu’il va venir s’accrocher aux cimaises mémorielles de l’artiste, et que son reflet intérieur (intériorisé), absorbé, sera transfiguré avec enthousiasme, frénésie, pour tenter d’atteindre le vrai de la nature humaine universelle. Uniques et caractéristiques, les œuvres de Margot Buffet laisseront des traces indélébiles sur tous les hippocampes.
Margot Buffet- Michel Cadiere
Il faut dire bravo à la pratique du portrait , lorsque comme ici , elle glisse vers une sorte d'éclatement de sa périphérie et s'impose comme création au sens large du terme. Entre un expressionnisme photographique audacieux , car , aux limites du stéréotype , et un font habilement détaché de la sagesse conventionnelle de ce type d'image .
voici un très bel exemple lié à l'expérience mise au service de ce que l'on se doit d'appeler, non pas , une idée de plus , développée avec virtuosité, mais la cause à effet d'une préoccupation profonde , ou la vision offerte par l'artiste joue en quelques sortes le role de médium entre son monde , qui est aussi le notre , et la déflagration du Réel qu'il nous révèle dans se qui devient, ni plus , ni moins , que la resultante d'une sublime alchimie de la forme .
Du peu que j'en ai vu ,Il y a matière à penser et forte raison de croire que se conglomérat de pigments très savamment organisé , a sa juste place dans la scénographies contemporaine car il a la capacité d'y faire naître l'écho d'un désir de partage ou la présence humaine semble se faufiler entre les maille d'une inexorable sensation de chaos que , pour ma part je trouve magnifiquement mise en lumière et qui mérite que l'oeuil et l'esprit s'y attarde pour y trouver , sinon des réponses, en tous les cas ,un grand plaisir.
Margot Buffet - Peau de papier Sylvie Geffroy
épiderme de papier
froissé
dans sa main de colère
plis-replis de chair abolie
visage ébauché démultiplié
corps balafré couche vaine
disparue dans les couches nouvelles
épiderme assourdi
réinventé
désir enfoui